Tout a commencé pour moi au petit matin, le 11 Juillet 2019. Depuis fort longtemps l’envie de voler, en parapente, en deltaplane, en ULM, ma taraudait, mais jusqu’à ce jour j’avais joué l’esquive. Là, 8h30 du mat, à Val Cenis, j’étais attendue pour mon baptême de parapente, et même si ma comparse de vacances m’avait lâchement abandonnée dans cette galère pour cause de mal de tête réel ou imaginaire, j’étais bien décidée à déjouer la peur au ventre, le vertige et tous ses maux. J’y allais visage fermé, mâchoire serrée, grisâtre. Mon moniteur se voulait à la fois directif et rassurant. J’apprendrais après le vol qu’il s’agit de Bertrand Roche, alias Zébulon, le petit garçon du film. Un vol incroyable, 20 minutes d’un bonheur intense, d’émotions indescriptibles. Un vol tout en douceur, à discuter en se laissant porter. La montagne offerte dans toute sa splendeur comme je ne l’avais jamais vue, au loin Bessans, Bonneval, le petit Bonheur, l’Arc. Même Grand Paradis, majestueux, s’est offert à mes yeux ébahis. A l’atterrissage, j’en aurais bien redemandé encore, tant je me sentais ivre d’air, d’espace. J’avais l’impression d’avoir chevauché une oie sauvage avec Nils Holgersson …
De retour en région parisienne, 2 jours plus tard, vacances finies, je n’avais plus que ce vol en tête, ou plutôt cette sensation d’une légèreté inégalable qu’on a en vol. Moi qui suis d’un naturel prudent, pondéré, mesuré, raisonné, raisonnable, résilient… mes proches, mes collègues, ne m’ont pas vraiment reconnue. Pour tout dire je pense avoir mis plusieurs semaines à avoir à nouveau les pieds bien campés sur la terre ferme. J’ai cherché sur internet des renseignements sur le parapente, l’histoire du parapente, je suis bien entendu tombée sur des films magnifiques et puis… sur des stages, des écoles… Evidemment a commencé à germer l’idée d’ajouter à la natation, au vélo et à la randonnée le parapente comme activité sportive régulière.
Lors de mes pérégrinations sur la toile, j’ai découvert à ma très grande surprise que même en région parisienne se trouvaient des écoles, des pentes école, des treuils. J’avoue que je n’en revenais pas, mais j’étais à la fois très interrogative et très dubitative. Après avoir inspecté les sites internet des différentes écoles, leur mode de fonctionnement pour les novices, je me suis arrêtée sur les Piafs Migrateurs, à Villebon sur Yvette. Bien que cela soit à 1 heure de voiture de chez moi, c’est l’école qui me paraissait correspondre le mieux à ce que j’imaginais, avec une progression sur du long terme vers les grands vols en autonomie. Je ne me voyais pas du tout faire un stage de 5 jours avec des grands vols seules au bout de 3 ou 4 jours. C’est ainsi que j’ai contacté Didier Domergue, le Directeur Technique de l’école, afin de savoir s’il accepterait des profils comme le mien, grande débutante à… 47 ans. La réponse a pris un peu de temps, car tout naturellement l’école attendait le forum des associations pour voir si des Villebonnais souhaitaient s’inscrire (ils sont bien évidemment prioritaires sur des personnes venant comme moi du Val d’Oise). Justement, comme cette réponse tardait, je suis allée faire 2 vols biplace supplémentaires à Annecy lors d’un long week-end. L’un des vols a duré 1h20, et a définitivement fini de me convaincre que je devais a minima essayer de voler seule un jour. Dans le TGV du retour, Didier m’annonçait que ma candidature était retenue pour l’école, et que le 1er rendez-vous serait début Novembre.
09 Novembre 2019, rendez-vous à 9h au local de l’association derrière le gymnase Marie-Marvingt. Là je rencontre Didier « en vrai », et je découvre mes comparses, Antoine et Stéphanie. Dans une alchimie naissante, on découvre le matériel, des mini voiles pour le début, les casques, les sellettes. Départ en petit fourgon, un peu comme un départ en colo, avec les pique-niques, vers Bondoufle. On devise gaiement et on apprend à se connaître. On retrouve Etienne, notre apprenti accompagnateur, qui va nous aider en plus de Didier à découvrir le fonctionnement de notre nouvel engin. Cette journée a été un peu particulière, humide, très grise, vent quasi nul, avec sur la pente école beaucoup de rosée jusqu’à tard et du coup les mini voiles furent vite détrempées. De cette première journée j’ai bien retenu la prévol, le vocabulaire propre à la voile elle-même (bord d’attaque, caissons, bord de fuite, suspentes, avants, arrières, freins, tour de sellette, tour de frein, comment faire un bouchon avec sa voile), à la sellette (ventrale, cuissardes, parachute de secours…). J’ai aussi pu essayer de lever la voile en dos voile au-dessus de ma tête, mais rien de très concluant de mon coté ce jour-là, c’était un peu le brouillard dans ma tête sur les consignes combinées à cette météo humide et peu favorable. De cette première journée j’ai aussi retenu comment replier une voile en mode rapide et aussi en mode très soigné (merci Etienne !), afin que les suspentes ne fassent pas un gros plat de spaghettis pour la fois d’après. Je sentais bien que toutes ces consignes étaient essentielles, et que sans cette base acquise rapidement, il n’y a point d’autonomie possible en parapente. Le mode collaboratif de cet apprentissage nous a permis à tous de nous exprimer, et au-delà de nous exprimer, le partage d’un premier repas ensemble a commencé à tisser des liens. Le premier d’une longue série…
Les journées se sont enchaînées en Décembre, Janvier, Février, Mars… On est passé sous de vraies voiles le 2ème jour, en Décembre. Fini les mini voiles. Nous avons ainsi écumé les pentes école de Bondoufle, Beynes, le site de Grenois… plus ou moins nombreux. Manu s’est greffé à la petite troupe des nouveaux, avec Eric, un ancien de la promo précédente n’ayant pas encore le brevet initial. On rencontre des Migrateurs sur les sites, d’anciens se greffent à nos journées, on obtient des conseils, on les regarde, on échange… Peu à peu, au fil des quelques jours, les sensations se précisent et s’affinent. Je suis assidue, je me rends disponible même lorsque cela peut sembler compromis. J’ai toujours une petite tendance à vouloir contrer ma voile au lieu de la suivre et de la piloter pour la remettre dans l’axe, mais je fais quelques courses pilotées pas mal du tout quand même. Le 18 Janvier, à Beynes, pour la 1ère fois, je décolle les pieds du sol, et je vole, 18 secondes, sous les yeux bienveillants de Didier et d’Etienne, et de mes comparses. 18 secondes qui valent tout l’or du monde. Antoine filme, et revoir ce tout premier décollage génère encore aujourd’hui beaucoup d’émotion pour moi. Je commence à comprendre à Grenois, que progresser vers les 1ers grands vols ne va pas aller sans peurs, sans faux pas et sans erreurs, malgré les formateurs attentifs qui nous encadrent. Je m’applique dans mes prévols, j’apprends à débriefer les vols en parlant ouvertement de mes appréhensions, de mes erreurs, en écoutant celles des autres. Les essais de face voile sont assez catastrophiques pour moi au départ, et aujourd’hui ce n’est toujours pas gagné. Gonflage, gonflage et encore gonflage, m’attendent pour maîtriser et dompter la voile, je le sais. Je fais aussi 2 atterrissages par terre. Cela me fait anticiper les peurs qui m’attendent, avec les grands vols.
En parallèle, se tiennent les cours théoriques pour le brevet initial les mardi soir au gymnase. C’est presque un exploit pour moi d’être là, en raison d’un boulot très prenant et très dense, mais j’y suis, plus motivée que jamais à comprendre, au-delà d’obtenir le fameux sésame pour l’entrée au club. Je lis en même temps qu’on fait les cours Le Manuel du Vol Libre, et si certaines parties me paraissent appréhendables, toutes les données sur l’aérologie et la météo nécessitent pour moi plus de travail, car ce n’est pas intuitif et du fait que je suis une véritable novice coté vol, contrairement à Antoine par exemple qui a un brevet de pilote d’avion. J’assimile petit à petit, et - je précise que je travaille dans la gestion de risques réglementaires - à ma grande surprise, je me rends compte qu’il y a une littérature dédiée aux risques en parapente. Ce sujet m’intéresse beaucoup car aussi bizarre que cela puisse paraître, je sais qu’il traite avant tout de l’humain.
Le planning prévu pour les 1er grands vols fin Mars est totalement bousculé par la crise sanitaire et le confinement. Pendant le confinement nous continuons les cours théoriques du brevet initial par zoom, et Didier nous propose de nous faire passer ce même brevet par zoom individuellement, en nous interrogeant. Je valide ainsi la partie théorique le 11 Mai. Il faut dire qu’à cette période je regarde beaucoup de vidéos de parapente. Des vidéos juste pour la beauté, mais aussi des vidéos plus didactiques, je me nourris de lectures sur divers sites, comme parapente360…
Le 1er week-end de Juillet sera le week-end de la reprise, après plus de 3 mois d’arrêt. Un sacré week-end, proche de Nantua, à Port. Malheureusement, les conditions aérologiques font que ce week-end se soldera par de la pente école et non des grands vols. Evidemment, avec une telle distance de déplacement pour un simple week-end, nous sommes tous un peu frustrés… mais je suis personnellement contente d’avoir renoué avec la pente école, retrouvé « ma » voile, retrouvé Didier, Antoine, Manu, rencontré Marine, et aussi Rémi, un moniteur du club. On a partagé de très bons moments, très conviviaux. On est entre bons vivants, ça, c’est une certitude ! Le parapente, on le comprend là un peu brutalement, c’est aussi cela, apprendre à faire avec la frustration de ne pas voler. Même avec de l’expérience, décider de ne pas voler parce que les conditions ne sont pas adéquates avec ton niveau ou parce qu’au final tu n’es pas en forme, c’est toujours la bonne décision, et ce week-end est là comme pour nous en convaincre.
Le 11 Juillet, de nouveau direction le lac de Nantua, mais cette fois-ci pour une semaine entière de stage, qui se partagera entre Port et La Biolle, proche du lac du Bourget. Sur les 2 premiers jours, pente école avec Antoine, Manu, Eric, Stéph, Yoan, Marine, puis de jeunes membres du club, Eric, Gilles, Sébastien. On fait connaissance aussi avec les autres moniteurs du club, Tam, Sarah et Jean-Marc, ces 2 premières journées sont denses en technique (avec une petite progression en face voile pour moi) et riches de conseils, avec en prime pour moi un petit biplace qui prend une saveur toute nouvelle, puisque j’essaie vraiment de voir en « live » certains éléments de la technique de vol apprises dans les cours théoriques, notamment en rapport avec l’atterrissage. Ces 2 jours seront aussi marqués par des repas du soir inoubliables, avec le meilleur poulet au saté jamais mangé (Merci Manu !) et des pates carbonara inoubliables (Merci Séb !), et aussi par la traversée du lac de Nantua à la nage histoire de se détendre totalement après la pente école.
Le 13 Juillet, déménagement du campement à La Biolle et direction le Sapenay après 15h. On connait déjà le site, on était allé le visiter le 1er week-end de Juillet. Mais là, on sent bien que les choses se précisent, nous ne sommes plus en visite. Vers 18h00, 1er envol pour moi, après une très longue attente et une prévol plus attentive que jamais. Le stress est là, bien entendu, mais je gère le décollage comme je l’avais imaginé, en refaisant les gestes que j’ai tant répété sur pente école. Après des difficultés d’installation dans la sellette qui perturbent mon cap (que je conserve tout de même tant bien que mal), je retrouve cette sensation de plénitude inégalable, sauf que là… Je suis seule, avec le précieux contact radio. Une pensée fugace que je suis en l’air, suspendue à un « bout de tissu » par des « ficelles » s’invite. Je la chasse pour me concentrer sur les consignes, sur le paysage somptueux du Lac avec la lumière du soir. Je commence à comprendre qu’il est très difficile d’évaluer sa hauteur sol, et donc très difficile de décider seul de l’approche pour l’atterrissage. Le stress monte tellement quand j’approche la phase d’atterrissage que je ne comprends plus les termes prononcés à la radio « Etape de Base », « Branche Vent arrière »… Je récupère vraiment totalement mes esprits avec le mot de « Finale ». Là encore, j’ai beaucoup de mal à évaluer quand freiner, avec quelle intensité, et les consignes sont (fort heureusement) précises et précieuses. Ce petit vol d’environ 7 minutes m’aura mis sur la voie de ce qui constitue ma plus grande appréhension à ce jour en conditions calmes : évaluer ma hauteur sol et réussir la phase d’atterrissage.
Les jours vont se suivre avec 12 vols qui s’enchaînent, au Sapenay, à Montlambert, et à Chamoux sur Gelon. 3 sites vraiment incroyables, nous sommes extrêmement chanceux. Je vais même par chance voler une quarantaine de minutes pour mon 3ème vol au Sapenay, dans des conditions aérologiques exceptionnelles. Les exercices en vol sont nombreux, les oreilles, les oreilles accélérées, les 360, le tangage, le roulis, le pilotage sellette, le pilotage avec les commandes dans 1 main. C’est magique, tout simplement. On apprend aussi à gérer la foule en l’air (nous sommes très nombreux sur les sites !), et je comprends petit à petit que tous ces exercices sont la panoplie indispensable du volant, pour affronter les airs seule un jour (sans assistance, je veux dire) et pour progresser en sécurité. A la fin de la semaine, mes atterrissages sont toujours effectués avec appréhension, mais la technique est malgré tout de mieux en mieux assimilée. Les débriefings des vols aident vraiment tout au long de la semaine à progresser, affiner les exercices, faire baisser le stress. Le retour en région parisienne se fait avec des étoiles plein les yeux, accompagnées de quelques clichés et films, presque là pour prouver que ce n’était pas un rêve… Nous avons réellement volé !
Faute de matériel personnel, malheureusement la fin de cette semaine sonne la fin du parapente pour quelques semaines. Nous nous retrouverons avec Manu et Eric le 18 Octobre sous l’œil de Didier au treuil à Amponville, avec 2 vols pour moi, et donc l’apprentissage de cette nouvelle technique indispensable en plaine. Je suis heureuse de renouer avec l’aile, et de retrouver l’ambiance de cette petite troupe.
Toutes les tentatives envisagées pour un stage de progression dans une autre école en Septembre et Octobre se sont soldées par des annulations, pour mauvaise météo. Ce n’est bien sûr que partie remise, car compléter ma formation des Piafs Migrateurs par un stage me paraît indispensable pour m’assurer une véritable progression. Mais depuis lors, la situation sanitaire n’a pas permis une reprise de l’école et je me sens comme en stand-by… Alors je continue et faute de pente école j’intensifie les lectures, Gérer les risques en parapente (lu 3 fois, merci Jean-Marc !), 50 techniques pour mieux voler, Les visiteurs du ciel, Understanding the sky… afin d’être au top lors de la reprise. En conclusion, je dirais que le parapente est une activité qui offre un sacré chemin vers la connaissance de soi, et un apprentissage certain de la patience, particulièrement quand on commence de concert avec le COVID19 !
Un grand merci à tous les Piafs Migrateurs rencontrés tout au long de ces mois pour vos conseils et votre bonne humeur, et bien évidemment des remerciements tout particuliers à Didier, Etienne, François, Sarah, Tam, Rémi, et Jean-Marc pour leur encadrement bienveillant et souriant.
Nathalie Schmitt